jeudi 20 juillet 2017

Brian Wilson, Lyon, Théâtre Antique de Fourvière, 17 juillet 2017

Lundi soir, c'était un morceau d'histoire de la pop qui débarquait sur Fourvière. Brian Wilson et son Brian Wilson's Band venaient revisiter l'un des plus grandes oeuvres musicales de ces cent dernières années, j'ai nommé Pet Sounds, album qui fête cette année ses 50 ans (enfin 51 maintenant...).

Une angoisse quand même avant que le concert commence: à quoi allions-nous assister? Parce qu'on savait la santé mentale - voire physique - de Brian Wilson défaillante, que certaines vidéos récentes étaient vraiment flippantes, et qu'on n'était pas à l'abri d'un naufrage complet.

Le début du concert était prévu à 21h, et comme nous avions affaire à des pros de chez pros, c'est à 20h59 pétantes que les...1, 2, 3...heu les 10 musiciens plus Wilson investissent la scène. On reconnaît le toujours fringant Al Jardine, seul ancien membre des Beach Boys ayant décidé de rejoindre Wilson plutôt que de tourner sous le nom "Beach Boys" avec Mike Love et un groupe de musiciens mercenaires. Le fils Jardine est également de la partie, c'est assez touchant. Et puis Wilson...

Le voici qui entre en scène soutenu par le saxophoniste, et on se demande s'il va parvenir au piano. Son état physique est effrayant, il doit peser plus de 150 kilos, ses genoux plient littéralement à chacun de ses pas, et on craint à chaque mètre la chute. Lorsqu'il parvient à son piano, il se cramponne littéralement à ce dernier pour s'asseoir derrière. Chose bizarre d'ailleurs: au lieu d'être sur le côté de la scène comme d'habitude, le piano est planté en plein milieu de celle-ci, ce qui signifie concrètement qu'on ne voit pas grand-chose des mains de Wilson. La suite du concert nous permettra d'avoir une petite idée de la raison de cet emplacement...

Wilson nous dit "Hello Lyon!". Bon point, il sait où il est. Vu son regard toujours hagard, c'était pas forcément gagné gagné. Et poum ça démarre.

La première partie du set - une heure - sera consacrée à des "semi-tubes" des Beach Boys. Pas encore d'énormes hits, à l'exception de "I get around" claqué dès le troisième titre. Les zicos assurent de façon hallucinante, à la fois au niveau de la maîtrise de leurs instruments, mais aussi vocalement. Pas évident de reproduire les harmonies vocales des Beach Boys, et pourtant ils y parviennent, et c'est somptueux. Le fiston Jardine assure toutes les parties vocales aigues, et c'est formidable. Mais, sur cette première heure, on sent qu'ils ne lâchent pas tous les chevaux. C'est pro, c'est hyper carré, mais c'est presque trop propre pour déchaîner les passions.

Wilson quant à lui... C'est très difficile à décrire. Il semble complètement dans son monde, ne fait souvent strictement rien, se contentant d'être assis derrière son piano. Et pourtant, dès qu'il s'agit de parler entre les morceaux ou d'assurer une ligne de chant, le pépère répond 100% présent. C'est très déroutant, et d'ailleurs la vidéo de "I get around" est là pour en témoigner:


A la fin de ce premier set, le groupe est rejoint par Blondie Chaplin, ancien compagnon de scène des Stones. J'ai lu ailleurs qu'il ressemblait à la fusion entre Lou Reed et Darry Cowl: c'est pas faux, et en plus il a un jeu de scène au croisement de celui de Keith Richards et celui de Chuck Berry. Le gars a chanté trois morceaux et a fait plein de solos de guitare plus ou moins inspirés. C'était un peu too much, et surtout pas dans le ton de la soirée, car les autres zicos se mettaient avant tout au service de la musique du grand maître.

Au bout d'une heure donc, entr'acte. Là, on se dit que l'on devrait attaquer les choses sérieuses.

Et effectivement, les 80 minutes qui ont suivi font partie des plus belles choses que j'ai jamais entendues à un concert. Comme si la première heure avait été un échauffement et qu'ils s'étaient dit "bon maintenant les enfants, on envoie la purée". Et quand la purée s'appelle Pet Sounds, c'est pas de la purée marque repère.

Il faudrait des pages et des pages pour évoquer la richesse inouïe de cet album, qui enchaîne des titres tous plus originaux les uns que les autres, avec des mélodies hyper complexes, et qui pourtant parviennent à caresser l'oreille de l'auditeur écoute après écoute, jusqu'à profondément s'ancrer dans l'inconscient de ce dernier. Rien qu'un démarrage avec "Wouldn't it be nice", reproduit à la note près par les zicos...

Le Brian Wilson's Band justement, parlons-en. Sur cette version de Pet Sounds, ils ont tutoyé les cimes. On fermait les yeux, c'est le disque qu'on entendait, avec toutes ses fioritures si bien cachées. Vous me direz, à 10, c'est facile, oui mais quand même non, pas tant que ça. Et puis les gars sont multi-instrumentistes en plus! Il y en a un qui nous a joué de la guitare, du synthé, du theremin, de la trompette, du trombone et du french horn quand même. Et le saxophoniste - qui est en réalité le directeur musical de la formation - jouait aussi de la clarinette, du buggle, de la flûte traversière et de l'harmonica. Voilà quoi.

Quant à Brian Wilson, s'il a conservé son timbre de voix, il a en revanche un souffle beaucoup plus court, et sa diction s'en ressent. En même temps, entendre un homme arrivé en bout de parcours chanter de façon aussi personnelle l'autobiographique "I just wasn't made for these times" a quelque chose de bouleversant.

Alors les grands moments: "You still believe in me" avec le fiston Jardine qui arrive à sortir le fameux "I won't cryyyYYYYYYYYyyyyy...". "Sloop John B", faussement simple, vraiment riche.


L'instrumental "Pet sounds", rallongé pour l'occasion, avec le guitariste ayant exactement le même son que la version originale.


Et puis... "God only knows" évidemment. L'une des plus belles chansons de tous les temps. Malgré le souffle court sur les couplets, c'était féérique. Le genre de moment où le temps semble suspendre un moment son cours. Même le canon final était parfaitement reproduit. Standing ovation juste derrière évidemment.


Ils quittent la scène et reviennent pour un rappel inhumain. "Good vibrations" pour démarrer, rien que ça. Bon d'accord, Wilson y va au piolet sur les notes hautes, mais c'est tellement le panard qu'on n'y fait même pas attention.


Et ensuite, c'est sans aucun temps mort qu'ils déblayent "Help me, Rhonda", "Barbara Ann", "Surfin' USA" et "Fun, fun, fun". Où est la sortie les copains? Les zicos qui étaient si réservés et concentrés pendant la première partie du show se lâchent complètement et ça groove grave, tout en restant vocalement parfait.


Pour finir, Brian Wilson nous interprète son plus beau morceau solo, "Love and mercy", qui se passe de commentaires.


C'est d'un pas chancelant que Wilson regagne les coulisses, pendant que les autres musiciens prennent le temps de donner leurs set-lists et autres mediators au public. Classes en plus les gars...

Une soirée hors du temps, émouvante, musicalement exceptionnelle, avec le sentiment que Brian Wilson, véritable génie responsable à lui tout seul de certaines des plus belles chansons du 20ème siècle, n'est définitivement pas comme nous tous. Seul un cerveau exceptionnellement doué pouvait accoucher de telles merveilles (McCartney et Lennon collaboraient généralement ensemble, soit avec George Martin, ce qui n'enlève rien à leur talent évidemment). Sa santé mentale en a pris un très gros coup, et même si sa prestation personnelle lundi soir était parfois...hasardeuse, les gens dont il s'est entouré sont dotés d'un tel talent que cela donne un concert finalement comparable à nul autre.

California girls
Dance, dance, dance
I get around
Shut down
Little Deuce coupe
Little Honda
In my room
Surfer girl
Do it again
Add some music to your Day
California saga
Don't worry baby
Let him run wild
Darlin'
Feel flows
Wild honey
Sail on sailor

Wouldn'it be nice
You still believe in me
That's not me
Don't talk (Put your head on my shoulder)
I'm waiting for the day
Let's go away for awhile
Sloop John B
God only knows
I know there's an answer
Here today
I just wasn't made for these times
Pet sounds
Caroline, no

Rappel:
Good vibrations
Help me, Rhonda
Barbara Ann
Surfin' USA
Fun, fun, fun
Love and mercy





1 commentaire:

  1. Bonjour. J'ai vu Brian Wilson fin octobre 2016 à Pleyel à Paris et votre compte-rendu est très similaire au mien. Certes, le véritable cerveau créatif des Beach Boys est fortement diminué aussi bien psychiquement que physiquement (je me suis également demandé s'il jouait réellement derrière son piano) et pourtant la kyrielle de musiciens qui l'accompagnait, parvenait à sonner exactement comme les Beach Boys. Du coup, l'efficacité professionnelle s'est accompagnée d'une émotion palpable et d'un plaisir purement véritable. Je me souviendrai longtemps notamment de ce Good Vibrations en rappel dont la complexité en studio avait été parfaitement recrée en live.

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