lundi 12 juin 2017

Petite chronique du jour: Roger Waters - Is this the life we really want?



Depuis ses débuts en solo, Roger Waters ne s'est que rarement révélé excellent d'un bout à l'autre d'un album. En 1984, son premier album solo, The Pros And Cons Of Hitch-Hiking, malgré la présence d'Eric Clapton, souffre d'un manque de variété dans les mélodies - le thème récurrent est basé sur les accords la mineur / do majeur, que n'importe quel guitariste débutant maîtrise rapidement - et les arrangements donnent l'impression d'écouter la troisième suite de The Wall après celle que constitue déjà The Final Cut.

En 1987, désormais officiellement affranchi de Pink Floyd, Waters et ses anciens acolytes publient chacun de leur côté un album souffrant du même mal: une production catastrophique, voulant sonner dans le vent mais paraissant désormais hyper datée. Le Radio K.A.O.S. de Waters se voit ainsi plombé par des sons de synthés assez atroces, sans parler d'une intrigue complètement grotesque (à côté Tommy est crédible), et ce malgré la présence d'un ou deux très bons morceaux ("The tide is turning (after Live Aid)" notamment.

1990: le Roger nous remonte The Wall à Berlin avec plein de copains pour fêter l'écroulement du Mur. Show hyper spectaculaire, mais musicalement on est assez loin de l'original, sans parler des "aléas du direct" ayant obligé pas mal d'artistes à réenregistrer leurs prestations en studio. Pour un live, c'est moyen...

Et puis en 1992, la très bonne surprise: Amused To Death. Un disque où, pour une fois, Waters ne fait pas (que) du Waters. Un disque aéré, varié, avec Jeff Beck aux guitares, avec certes quelques longueurs (m'enfin sur 72 minutes c'est pas un scandale) mais enfin un album vraiment convaincant. Manque de pot, l'échec commercial de ce disque est patent, Waters ne fait même pas de tournée pour le promouvoir... Et depuis plus rien. Enfin si, des tournées best of ou centrées sur un album du Floyd (Dark Side Of The Moon, The Wall...), un opéra (Ca ira) sur la Révolution Française que personne n'a écouté plus de deux fois, mais pas de vrai nouvel album.

Autant dire que ce Is This The Life We Really Want? était attendu d'oreille ferme, surtout lorsqu'on a sur que son producteur était Nigel Godrich (Radiohead, Paul McCartney, Travis...), bref un gars qui s'y connaît un peu niveau son.

Dès les cinq premières secondes, on ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire: "When we were young" démarre par un tic-tac d'horloge et un battement cardiaque tout droit sortis de Dark Side Of The Moon, puis par des voix semblant émaner d'une émission radiophonique (coucou "Wish you were here")... On est en territoire connu. Voire très connu.

Voire trop connu. Et c'est en fait le problème qui va irriguer tout cet album, de la première à la dernière chanson. Une très grosse impression de "Déjà vu", qui est d'ailleurs le titre du deuxième morceau. Base de sol majeur / do majeur déjà utilisée sur "Pigs on the wing", "Mother", "Paranoid eyes", arrangements de cordes évoquant d'abord The Final Cut, puis "Comfortably numb", bruits de bombes, fin en ré / do / sol repiquée à "Mother"... En soi, la chanson est assez jolie, mais cette fichue impression de rabâchage gâche un peu tout. Côté textes, on a connu Waters plus inspiré. S'il a délaissé les histoires fumeuses à la Radio K.A.O.S. (un gamin télépathe et paraplégique qui parvient à convaincre l'humanité de s'aimer sinon il lâche plein de bombes nucléaires...), il continue de nous parler de la guerre, de la pauvreté, des délaissés... C'est louable certes, mais bon, ça fait 40 ans qu'il fait ça, et il le faisait avec plus d'originalité sur The Wall ou Amused To Death.

"The last refugee": si on oublie le quasi sample de la batterie du "Five years" de Bowie, c'est plutôt un bon morceau, à l'atmosphère intéressante. "Picture that" débarque ensuite: ça aurait pu être un immense morceau...si Pink Floyd n'avait pas existé. Parce que là, Waters nous repique le son, le rythme de basse et de batterie (plus la diction sur certaines phrases) de "Sheep" (Animals), plus les pêches aux claviers de "One of these days". Le souci, c'est que même après dix écoutes, on reste bloqué sur ces similitudes. Et c'est dommage car sans ça, le morceau tient bien la route, avec ce petit gimmick de synthé bien efficace. Waters assume aussi sa voix, qui n'a plus la même pêche qu'il y a quarante ans. Elle passe bien sur les morceaux lents, sur les plus rapides ça passe moins bien.


"Broken bones": jolie ballade, même si, là encore, on se surprend à chanter "Paranoid eyes" sur l'intro. Beaux arrangements de cordes par contre. Et puis arrive la plus grande réussite de l'album, à savoir la chanson qui donne son titre au disque. Là, il se passe quelque chose. Là, on entend l'apport de Godrich - parce que jusque là, à part enlever du texte et supprimer tout solo de guitare...- avec une intro typiquement radioheadesque, des arrangements de cordes lorgnant du côté du Melody Nelson de Gainsbourg... Le genre de morceau qui fait regretter le reste du disque, car il prouve à lui tout seul que l'alliance Godrich / Waters aurait pu accoucher d'un grand truc.


Après ce soubresaut, vient la purge du disque, à savoir "Bird in a gale". Waters réunit en un seul morceau tous les travers qu'on peut lui reprocher: pas vraiment de mélodie, des paroles qui tournent en rond, une voix inutilement agressive et de trop grosses réminiscences de "Dogs" pour être honnête (les sons de synthés, l'écho sur la voix...). Et puis ce réveille-matin en intro est quand même hyper désagréable, il faut bien l'avouer.

"The most beautiful girl" donne un peu d'air derrière, mais il y a toujours beaucoup (trop?) de textes, et ça nuit à la musicalité de l'ensemble. "Smell the roses" ensuite, celle-là on la connaissait puisque c'était le premier extrait à avoir été révélé. Bon ben, elle n'a pas changé, toujours un mix entre "Have a cigar" et le pont funky d'"Echoes" mâtiné d'un soupçon de "Dogs" sur le pont. Pas désagréable, mais donc déjà entendu.

Et on finit par le triplé "Wait for her" / "Oceans apart" / "Part of me died", qui reprend le même thème que "Déjà vu", qui nous dit que l'amour c'est mieux que la guerre, l'album se terminant par les mêmes sons que par lesquels il débute. Voilà voilà.

Si on devait finalement choisir un qualificatif pour cet album, ce serait: "superflu". A part les aficionados purs et durs de Waters qui y trouveront leur compte, on préférera cent fois se réécouter Animals, The Wall et The Final Cut plutôt que cette resucée pâlichonne. 25 ans sans album et une collaboration avec un producteur prestigieux pour en arriver à ça, c'est vraiment une occasion gâchée. Waters semble d'ailleurs presque de cet avis lorsqu'au détour d'une interview il lâche qu'il aurait mixé l'album différemment et qu'il ne joue que quatre titres de cet album lors de ses concerts.

On ne peut aussi, consciemment ou pas, faire le comparatif avec le dernier-né de David Gilmour, Rattle That Lock, paru en 2015. Ce n'était pas un chef d'oeuvre non plus, mais Gilmour avait eu le mérite de tenter des choses assez inattendues. C'était parfois convaincant ("Dancing right in front of me"), parfois beaucoup moins ("The girl in the yellow dress", "Today"), mais au moins il y avait quelques risques de pris. Et puis quand il nous récitait son petit Pink Floyd, il avait le bon goût de ne le faire que très brièvement (l'intro de "In any tongue" qui rappelle celle de "Comfortably numb"), et pas sur 80% d'un album.

Je ne me fais pas de soucis pour Waters, il remplira les salles européennes en 2018 avec son méga-spectacle extrêmement spectaculaire (et son playback...), mais, pour ce qui sera probablement son ultime album, Is This The Life We Really Want? demeure une vraie déception.

1 commentaire:

  1. Je l'ai trouvé aussi chiantissime cet album...comme à peu près tout ce qu'a fait R.Waters en solo d'ailleurs.

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